NOTES D’ENQUÊTE - M. Baptiste BRUDIEU - Né en 1913 à Lapleau
Caractéristique : Ancien maçon, voisin de la ligne du TACOT
Entretien le 20/08/1987 - à 19550 LAPLEAU (domicile)
Participants : M. Baptiste BRUDIEU, informateur; Bernard MAUPOUX, enquêteur.
Je venais de parler avec quelqu’un de LAPLEAU, qui m'avait dit que Baptiste parlait souvent de Mme FROUMAJOU, qui avait transporté les matériaux pour le Viaduc : arrivant sans avoir prévenu, c’est sur ce détail que je me suis présenté, d'où les fréquents retours de l'expression « c'est cette dame qui a fait tout ça », qui ponctuent toute la première période de l'entretien.
Trouvé M. BRUDIEU chez lui vers 17 heures, on est restés devant la maison, près de la route que longeait la ligne du TACOT en direction d'ÉGLETONS. En face, un chantier de jeunesse était installé pendant la dernière guerre. Le voisin (Victor, 76 ans), qui arrivait en vue avec son chien, puis Mme BRUDIEU, dont on entend les pas sur le gravier, ont été appelés à la rescousse, plus sans doute pour passer les premiers moments d'incertitude devant le micro, que vraiment pour apporter des informations - j'avais du mal à garder mon attention, dispersée par les mouvements du micro (interlocuteurs espacés) et les bruits de chien, de voitures... et les bribes de conversation qui s'engageaient entre les différents participants.
Puis le voisin est parti, et tout en disant qu'elle ne savait rien, Madame restait à portée de voix.
Talent de conteur, entretien de plus en plus cordial, à partir de mon intérêt pour la maçonnerie.
Après la deuxième bobine, voyant tourner l'heure et souhaitant aller voir Mme LONGUEVILLE, je n'ai pas rechargé le magnétophone… mais on a continué l'entretien hors micro (ou plutôt Baptiste a continué à dévider ses souvenirs : son métier, sa formation avec des "vieux compagnons" qui avaient travaillé au Viaduc : CHAPOUILLE, FREIGNAC, les équipes d'Espagnols et de Portugais, et le Turc qu'il avait embauché) ; il m'a montré la forge où il refait ses outils, m'a raconté comment il avait appris la trempe (auprès d'un carrier de PÉROLS, et chez un fournisseur de granit en BRETAGNE, où il est allé passer quelques jours). Il m'a montré différentes qualités de pierre dans son mur de soutènement, etc... ses outils à poncer... m'a raconté comment le Maire lui avait proposé de vieilles pierres du cimetière, et comment il en avait fait son mur de clôture (en "mosaïque", un bon ouvrier ne taille guère que quinze parements par jour).
Se souvient bien de ce que les Anciens lui ont raconté. A parlé de son évasion d'ALLEMAGNE (peu).
À mon départ, il m'a proposé une bière en expliquant que la cuisine était en travaux (on est restés debout dehors tout le temps, et je m'efforçais de faire de l'ombre au Nagra..). J'ai refusé en l'acceptant de bon cœur pour la prochaine fois, et suis parti vers 20 heures. Il a dit qu'on avait passé un bon moment et qu’il est prêt à recommencer (d'autres rencontres).
Il me parlait du Viaduc comme si je ne le connaissais pas, et a parlé de la technique pour "lancer le tablier à partir d'un côté, comme ils l'ont montré dans le film, là". Il a donc dû voir "L'Oiseau de la Luzège" et se souvient mal, ou n'a pas suivi l'ordre du montage. Je n'ai pas dit que je connaissais le viaduc et avais fait "le film".
Entre les deux bobines, il a raconté le transbordement par benne d'un côté à l'autre du viaduc, et l'accident où une poulie a sauté et les ouvriers sont restés pendus au câble par les bras...
Nombreux passages de voitures, bruits de pas sur le gravier, tondeuse à gazon du voisin...
B. Maupoux